Roanne, avril 1942.   Si je m'en frotte les mains, le savon écume, jubile...  Plus il les rend complaisantes, souples,  liantes, ductiles, plus il bave, plus  sa rage devient volumineuse et nacrée...  Pierre magique !  Plus il forme avec l'air et l'eau  des grappes explosives de raisins  parfumés...  L'eau, l'air et le savon  se chevauchent, jouent  à saute-mouton, forment des  combinaisons moins chimiques que  physiques, gymnastiques, acrobatiques...  Rhétoriques ?   Il y a beaucoup à dire à propos du savon. Exactement tout ce qu'il raconte de lui-même jusqu'à la disparition complète, épuisement du sujet. Voilà l'objet même qui me convient.   *   Le savon a beaucoup à dire. Qu'il le dise avec volubilité, enthousiasme. Quand il a fini de le dire, il n'existe plus.   *   Une sorte de pierre, mais qui ne se laisse pas rouler par la nature : elle vous glisse entre les doigts et fond à vue d'oeil plutôt que d'être roulée par les eaux.  Le jeu...
de Cristina Fernandes e Rui Manuel Amaral